INTERVIEW DE MEZCLA
Après une grosse claque bien forte dans la gueule à l'écoute de l’excellent "Metalmorfosis" de Mezcla et une forte envie d'en savoir un peu plus et d'éclaircir des mystères peut-être mystiques, je me suis dit 'Tiens, si on se collait à interviewer le groupe?'. Transmission au boss de Music Records et hop, la voici, toute fraîche, rien que pour vous. Alexis, accompagné de Guillaume, Thibaud et Geoffroy ont courageusement affronté mes questions et apporté lumière et compréhension (hum... ça fait secte ça, non?). Ce soir, brûlez un cierge ou sifflez une bière à leur honneur! - Benoit
-
Bonjour à vous ! Comment ça va ? Bien et tout ? Bon, on va commencer par la traditionnelle présentation du groupe : qui, quand, où, pourquoi, avec qui, chez qui… Genre en concentré encyclopédique.
Alexis : Le
projet est né de la rencontre entre Geoffroy Garraut (guitare) et
moi-même, Alexis Munoz (chant/guitare), en 2003. Nous souhaitions
principalement faire des compositions dans un registre death metal
métissé avec du flamenco et beaucoup de mélodies. Des ennuis de
line-up ont entravé l'évolution du projet pendant plusieurs années
au cours desquelles bassistes et batteurs se sont succédés, pour
enfin trouver un équilibre en 2008. Il en découle un premier 4
titres intitulé « Hermanos de Sangre ». En 2011, sortie
de « Salir sin Pagar », un premier album suivit de
nombreux concerts. 2012 connaît un changement complet de la section
rythmique avec l’arrivée de Guillaume Poyet à la basse, et
Thibaud Fernel à la batterie ; puis la sortie d'un album
acoustique en 2014. Ce disque nous permet d'affirmer très clairement
nos influences hispaniques. Enfin un nouvel album de death metal
intitulé « Metalmorfosis » sort fin 2016, chez notre
label Music Records.
2- Pourquoi avoir choisi ce
nom ? La signification du mot (mélange, en français) fait
quand même peu metal comme nom. Ne serait-ce pas aussi un choix de
par la prononciation du mot qui le fait ? Ou est-ce simplement
pour faire simple et se démarquer des autres noms ?
Alexis :
Ta question contient une bonne partie des réponses. Le mot "mezcla"
se prononce effectivement facilement dans tous les pays et il est
court et se termine par une sonorité ouverte. Par ailleurs il n'a
pas de connotation stylistique ce qui nous permet de pouvoir intégrer
les influences que nous souhaitons sans en avoir de scrupule.
3- Tiens, d’ailleurs,
comment est venue cette idée de mixé flamenco et death ? Une
envie de pouvoir vous torturer les doigts tout en offrant une
approche peu usitée (ça claque comme phrase, hein!) dans le genre ?
Alexis:
Bien inspiré ! Ca claque plutôt bien ta formule. Cependant, cette
envie de mélange est venue tout à fait naturellement car je suis à
l'origine du projet et l'Espagne est le pays natal de ma mère. Par
conséquent, je maîtrise assez bien la langue castillane et j'ai
étudié le flamenco pendant plusieurs années.
4- A ma connaissance, le seul
autre groupe qui ose un mélange musique hispanique et death brutal,
c’est Impureza. Est-ce aussi une sorte d’hommage au groupe (sous
un angle très particulier), une façon de leur dire ‘Hé mecs,
vous n’êtes plus seuls !’ ou non, pas du tout, erreur de ma
part ? En plus, c’est assez couillon, je ne pipe pas un mot
d’espagnol...
Alexis:
Non, absolument pas. Impureza ne nous a jamais influencé d'aucune
façon. Ce n'est qu'après un de nos concerts en 2009 que j'ai appris
leur existence en parlant avec quelqu’un.
Thibaud :
C’est marrant on est rentré en contact il y a quelques temps, en
fait les deux formations se sont formées à peu près au même
moment mais ils ont décollés plus vite que nous. Donc coïncidence
pour le style, après le mélange metal/flamenco est tellement
intéressant que c’est pas étonnant qu’au moins deux groupes s’y
soient penchés. J’adore ce qu’ils font, c’est plus brutal que
Mezcla et le mélange metal/flamenco est peut-être plus évident à
l’oreille chez eux, mais pour l’instant on a fait le choix de
plus s’en servir comme d’une teinte et pas comme une véritable
fusion.
5- Comment faites-vous pour
construire les morceaux, le flamenco et le death étant fort éloignés
l’un de l’autre. Existe-t-il des liens totalement insoupçonnés
du commun des mortels ? Le flamenco ne véhiculerait-il pas des
idées ou des atmosphères pas si différentes que ça du death ?
Alexis:
Le flamenco et le death paraissent effectivement très éloignés.
Il y a néanmoins certains points communs entre les deux: la
violence, la mélancolie et des voix qui vont du lyrisme le plus
éloquent jusqu'aux registres les plus sauvages et gutturaux que l'on
puisse imaginer.
6- D’ailleurs, pouvez-vous
expliquer un peu plus ce qu’est le flamenco et ce qu’il apporte
pour vous à votre musique (wouah, la question vache!!) ?
Alexis:
Le flamenco a des origines très lointaines pourtant le style actuel
n’existe que depuis a peu près 150 ans. Avec les différentes
évolutions qu’il a connues, et notamment dans les années 70 avec
des artistes comme Paco de Lucia et bien d'autres, on peut presque
qualifier le flamenco de musique actuelle malgré ses racines
traditionnelles. Il vient d'ailleurs d'un mélange complexe qui
intègre des influences arabes et juives. L'apport de cette influence
dans Mezcla se ressent dans le choix des gammes utilisées (le
phrygien majeur ou mineur par exemple) et il nous donne une identité
qui nous est propre. Notre album « ¿La Victoria de la Vida ? »
le prouve d'ailleurs de façon incontestable.
7- Votre album et entièrement
chanté en espagnol (sauf un titre sur lequel je vais revenir).
Pourquoi ce choix, fort inhabituel dans nos contrées (parce que
oui, ami(e) lecteur(rice), passé les Pyrénées, il y a moult
groupes chantant en espagnol dans des registres vigoureux :
Entrophobia, Violent headhache, Absemia et bien d’autres…).
Est-ce plus facile pour Alexis de pouvoir s’exprimer sans se mettre
de contraintes ?
Alexis:
L'espagnol est ma langue maternelle et c'est également celle du
concept du groupe. En plus, comme tu l'as dit, il y a peu de
formations qui chantent dans cette langue dans nos contrées.
8- En plein milieu de l’album,
il y a ‘Entomofobia’.
Un morceau complètement à part, qui nous emmène ailleurs, et trop
court à mon avis. Quelle est son origine et pourquoi faire si court,
alors que l’on sent qu’il y a derrière tout un monde ?
Cette frustration est-elle volontaire ? Ne seriez-vous donc
qu’une bande de petits canailloux (la question Darry Cowl…) ?
Alexis:
Le titre dont tu parles est un interlude, il est donc volontairement
court et conçu comme un petit labyrinthe qui mène à la deuxième
partie de l'album. Trois artistes étrangers à Mezcla y ont
participé et je tiens à leur rendre hommage. Il s'agit de Catalina
Jimenez (chanteuse de flamenco), Elise Gendraud (chanteuse lyrique)
et de Sébastien Beau (clavieriste/arrangeur officiant avec Thibaud
dans le groupe Truth About Elmore).
Thibaud : En
fait je crois que c’était assez naturel pour nous de finir là le
morceau. On a dans la tête pas mal d’interlude de ce genre qui
parsèment nos albums de death préférés, qui sont courts aussi
mais remplissent bien leur objectif d’aérer à un moment où on ne
s’y attend pas forcément. Si le titre dure trop, on peut perdre un
peu de cohérence sur l’ensemble de l’album pour moi. Donc oui,
nous sommes une bande de petits canailloux.
9 – On va évoquer le ou les
thèmes abordés dans l’album. On sent bien que, contrairement au
nom, là on est en plein dans un ou des domaines qui sont propres au
metal. Le titre ‘L’usurpateur’,
le seul chanté en français (tiens, pourquoi ? Quel étrange
mystère derrière?) évoque clairement le monde des sodomites de la
finance et des ‘puissants’. Et du coup, j’en viens à me
demander s’il n’y aurait finalement pas un fil rouge derrière
tout ça et une critique assez acerbe de notre société ?
Alexis:
« L’Usurpateur » m'est d'abord venu en français et
j'avais particulièrement envie qu'il soit compris par les
autochtones. En outre les premiers textes de Mezcla avaient été
écrits en français mais sans jamais avoir été enregistrés, à
part sur des démos. Je suis plutôt content d'avoir retenté le coup
sur cet album car cela à l'air de faire plaisir à beaucoup de nos
auditeurs.
Guillaume :
La
fin de ta question est assez intéressante car même pour nous,
l’interprétation reste libre. Personnellement j'y vois un fil
rouge et un moyen d'exprimer mon ressenti vis-à-vis du
fonctionnement de notre société, de ses aberrations et
incohérences. Nous ne voulons cependant pas être des donneurs de
leçons, il faut plutôt voir cela comme un constat.
10- Finalement, ne seriez-vous
pas une espèce d’entité musicale protéiforme ? Une sorte
d’évolution musicale identitaire ?
Alexis:
Protéiforme, je l'espère. Je l'ai dit précédemment, si notre
groupe porte ce nom c'est bel et bien pour rester ouverts à toute
les influences même si les principales, pour l'instant, sont le
metal et le flamenco.
Thibaud :
C’est important d’avoir une identité de groupe un peu à part,
un truc qui fait qu’on sonne un tant soit peu différent d’un
autre surtout vu le nombre de groupes qu’il y a.
11- Plus individuellement,
quels sont les goûts musicaux de chacun d’entre vous ?
Détenez-vous des choses surprenantes secrètes (mais point
honteuses, on n’est pas un blog people, non mais ho, quoi!) que
vous allez joyeusement déballer ici ?
Alexis:
Pour ma part, j'ai de moins en moins de tabous d'un point de vue
musical. J'adore les morceaux qui me transportent et il y en a dans
tous les styles. J'ai par exemple, dans mes favoris YouTube, une
chanson intitulé « Eye in the Sky » interprétée par la
chanteuse Noa et j'adore l'écouter régulièrement car elle me
ressource. Particulièrement la version live.
Geoffroy : J’écoute
toutes sortes de musiques (blues, country, rock, pop, world) en plus
du metal, évidemment. J’aime tout particulièrement les groupes
Depeche mode, Creedence Clearwater Revival, Muse, Peter Gabriel, Yes,
et j’apprécie de plus en plus les groupes où les artistes épurent
leur musique au maximum, comme Brigitte ou Camille, ou la fusionnent
habilement comme Ibrahim Maalouf. Mais ne vous y trompez pas je suis
un fan inconditionnel d’Iron Maiden, Megadeth, Death , Arch Enemy
et Metallica première génération!
Guillaume :
Le
thrash et le death sont mes styles favoris mais j'écoute également
beaucoup d'heavy, prog, stoner etc. Dans des esthétiques
complètement différentes je suis un grand fan de funk, dub et de
synthwave, cela permet me de varier un peu les ambiances et de
trouver de nouvelles idées de compositions.
Thibaud : Je
suis plutôt branché death metal à la base, mais amateur également
de rock progressif (King Crimson, Yes, Genesis, Rush, Gentle Giant…),
un peu de jazz aussi (Miles Davis, John Coltrane, Herbie Hancock…).
12- Tiens d’ailleurs,
puisque l’on parle de goûts musicaux mais qu’il n’y a pas que
ça, quels sont-ils en littérature et cinéma ? Ont-ils un
lien, un impact sur votre musique ou du tout, car l’un de vous a
des goûts très pointus, notamment l’œuvre de Ján Kadár,
illustre réalisateur tchèque des années 60 ?
Geoffroy : Je
suis fan de bandes dessinées, de comics Us, de mangas. En fait,
j’aime la S.F., l’heroic-fantasy et les super héros. Je lis
aussi Dan Brown, J.R.R.Tolkien, Frank Herbert, Ira Levin. En ce qui
concerne le cinéma, j’adore les « blockbusters » de
bonnes facture mais je vais aussi voir des comédies, des films
d’aventure, des drames, je penses notamment à « le dernier
loup » de Jean Jacques Annaud mais aussi des documentaires
comme le film « les Saisons ».
Thibaud :
J’adore la science-fiction et le fantastique, mais je suis pas
certains que ça ai une influence quelconque sur la musique de
Mezcla.
Guillaume :
J'aime beaucoup la filmographie de Gaspard Noé, Kubrick ou alors les
films de Dupontel, même si cela ne m'impacte pas vraiment dans ma
façon de jouer. Je suis également féru d'Heroic Fantasy, regarde
beaucoup de séries et aime passer du temps à lire les comics de la
bibliothèque de Geoffroy.
13- a) Hahahahaha ! Vous
vous demandez qui est ce type ?
Thibaud : Inconnu
au bataillon, mais merci de la découverte !
13- b) Que pensent vos proches
de Mezcla ? Sont-ils des fans de premier ordre ou vous
observent-ils depuis l’autre bout des pièces, d’un regard
inquisiteur qui fait craindre un usage de substances pas très
légales en masse ou d’une terreur pure ?
Geoffroy :
Ils nous soutiennent énormément, mais ils font aussi preuve
d’esprit critique, et tout cela participe au fait que nous soyons
en continuelle progression.
Thibaud : En
général ils préfèrent le set acoustique, ça « gueule »
moins ! Non malgré tout ils nous soutiennent à longueurs de
journées avec notre musique de tarés, et rien que pour ça je les
admire.
Guillaume : C'est
vrai que le set acoustique a tendance à être préféré pour les
raisons données par Thibaud mais la version metal plaît beaucoup
également, on a la chance d'être bien soutenu par nos amis et
famille. C'est très important pour nous.
13- c) Gérez-vous facilement
le stress des complaintes des pauvres hères qui pullulent aux feux
tricolores ?
Geoffroy : Oui,
oui sans problème ! (rire)
Thibaud :
Joker.
14- Comment faites-vous pour
l’aspect live avec une telle musique ? Avez-vous recours aux
samples ou non, ho, hé, z’êtes des warriors et vous kiffez la
difficulté ?!
Thibaud :
Pas de samples en live, du moins pour l’instant. On a réarrangé
un peu les parties qui en avaient besoin, après ça pourrait être
intéressant quand même à l’avenir d’avoir les guitares
acoustiques sur scène ou samplés.
Guillaume :
On a
essayé de faire en sorte que l'album puisse être intégralement
restitué sur scène sans sample, nous permettant de le jouer dans
n'importe quelle condition et de ne pas avoir à sacrifier certaines
parties. On est des warriors !
15- Quels sont les futurs
projets de Mezcla ? Des tournées de prévues ?
Guillaume : Pour
l’instant l’objectif est de promouvoir le plus possible le nouvel
album en live. On vient de signer depuis
peu de signer avec Music-Records, qui s’occupent entre autre de
notre booking, donc bientôt de nouvelles dates et peut-être des
tournées à la clé ! Nous allons également nous remettre à
composer de nouveaux morceaux lorsque le bon moment sera venu.
16- Concilier vie privée –
vie professionnelle – Mezcla doit demander quand même une sacré
organisation. Est-ce une bataille de tous les instants (un peu comme
les batailles d’un des films « Le Seigneur des Anneaux »)
ou non, c’est plus cool, chacun décide en discutant (mais seul le
plus fort l’emporte, un peu comme avec Hulk) car il n’y a pas
vraiment de leader (mais quand même, y’en a un qui clôt le
débat) ?
Alexis:
Concilier la vie privée et la musique implique des choix parfois
délicats. Mais à part pour ma santé, c'est la musique qui a la
priorité sur tout autre élément. Je crois que sur ce sujet
personne d'entre nous quatre ne clôt le débat, nous voulons jouer
le plus possible avec la seule condition que cela se fasse dans des
modalités respectueuses.
Geoffroy :
Il faut effectivement une énorme organisation, d’une part pour
concilier les emplois du temps de tous le monde, et d’autre part
pour faire face aux imprévus !
Thibaud :
C’est pas toujours simple de s’organiser mais on s’en sort pas
trop mal je crois. Il y a quelques débats un peu longs parfois, en
général ça se clôt simplement quand on a plus le temps de
discuter sur le sujet, et on suit celui qui a l’idée la plus
censée !
Guillaume : Notre
activité professionnelle et parcours scolaires tournent
principalement autour de la musique nous permettent de nous organiser
« plus facilement » même s'il faut parfois faire
quelques sacrifices, mais bon c'est le quotidien de tout groupe au
final.
En général lorsqu'un débat futile tourne trop longtemps, Thibaud lance le décompte du prochain morceau et on le clôt immédiatement pour ne pas perdre de temps et se remettre à jouer.
En général lorsqu'un débat futile tourne trop longtemps, Thibaud lance le décompte du prochain morceau et on le clôt immédiatement pour ne pas perdre de temps et se remettre à jouer.
17- Merci à vous d’avoir
pris le temps de répondre à ces quelques questions. Le dernier mot
est à vous !
Tous :
Nous
te remercions beaucoup pour ta chronique et pour le temps que tu nous
as accordé sur cette interview, il est très important d'avoir des
moyens comme celui-ci pour permettre aux groupes de s'exprimer !
A bientôt, peut-être sur un concert ?
Contact: facebook, www.mezcla.fr
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